Logement à butineurs

Nos voisins les bestioles N°1

C'est un fait : les insectes sont nettement sous-cotés. 
Victimes de délit de faciès avec leur tête d’aliens, ils inspirent souvent la peur et le dégoût. Pourtant, quand on commence à se pencher sur leurs habitudes, leurs comportements et leur rôle dans l'écosystème, on comprend vite qu'ils occupent tous une place essentielle. Même les guêpes et les moustiques. 

Oui, oui. J'ai dû aussi me faire une raison. 

Depuis quelques temps, je me pose des questions, cherchant à attirer le maximum de biodiversité dans mon jardin pour aider la nature à mon échelle. C'est là où je suis tombée sur les hôtels à insectes. Vous savez, ces structures mêlant souvent plusieurs petits matériaux pour accueillir la micro-faune - on en trouve de plus en plus, que ça soit dans des espaces verts ou dans le commerce.

Eh bien, en m'intéressant à ce sujet, j'ai observé une controverse quant à ces aménagements dits "écologiques" - certains le rejettent même en bloc, le présentant comme dangereux. 

Alors avant de continuer, éclaircissons cette première question :   


Nichoirs et abris : utiles ou fausse bonne idée ? 

Pour répondre à cette question, je me suis basée sur le livre de Vincent Albouy et Denis Richard, "Accueillir la faune sauvage au jardin". Je le recommande à ceux souhaitant approfondir le sujet car il offre des pistes concrètes et des infos super intéressantes. En plus, il est facile à lire.

Ces deux entomologistes expérimentés soulèvent une question pertinente, à savoir si notre aide est toujours profitable. Est-ce que l'efficacité des nichoirs est réelle ? 
Je vais me concentrer sur le sujet qui nous intéresse aujourd'hui : les insectes. J'écarte donc volontairement le reste de la petite faune, mais j'y reviendrai dans un autre épisode de "Nos voisins les bestioles".

Premièrement, rappelons un fait logique mais essentiel - la meilleure manière de préserver un écosystème, c'est ne pas y toucher. 
Voilà. Je pose ça là. 
On pourrait croire que j'enfonce des portes ouvertes, mais c'est un fait qui n'est pas souvent appliqué dans la réalité. Placer quelques nichoirs ici et là sur une surface que l'on vient de défricher pour y planter un verger ou un centre commercial, c'est se donner bonne conscience. Mais ça ne règle pas le problème de la perte de biodiversité. 

Deuxièmement, l'utilité des abris va varier en fonction de l'espèce ciblée. Les espèces trouvant facilement des endroits pour y nicher vont souvent bouder les constructions artificielles, préférant se débrouiller par leurs propres moyens. Par contre, ceux qui souffrent de la crise de logement vont venir dans les nichoirs et abris, faute de mieux.

Les systèmes fonctionnant le mieux sont donc ceux qui offrent un site de nidification aux espèces ayant du mal à trouver leur place dans les jardins ou milieux naturels. La solution la plus efficace serait de mettre à disposition une variété de micro-habitats (tas de bois, fagots de tiges creuses, plantes mortes posées dans un coin tranquille...) mais aussi de limiter la taille de certaines plantes à certains moments de l'année, comme le lierre qui fournit un abri bienvenu pour nombre de petits habitants - notamment le papillon citron, un papillon qui hiberne l'hiver. 

​Mais les abris peu efficaces ne sont pas inutiles pour autant - ce sont des moyens pédagogiques fascinants qui aident à la compréhension et la sensibilisation du petit monde. Enfin, ils peuvent loger des habitants - parfois originaux.

En conclusion


Avoir des nichoirs à insectes, c'est un joli geste mais ça n'est pas très efficace, surtout si c'est mal agencé - ça peut même être catastrophique en créant des conditions favorisant la propagation de maladies ou de parasites. Il y a donc plusieurs choses à savoir pour éviter de faire plus de mal que de bien. 

La nature préfère avoir la possibilité de faire ses propres aménagements, à condition d'avoir des matériaux à disposition - mais pour certaines espèces, des abris artificiels peuvent réellement être salvateurs !

Alors si vous souhaitez construire un nichoir, que ça soit pour une espèce en difficulté de logement ou dans un but pédagogique pour apprendre et observer, cela doit être mené avec un minimum de sérieux (et de fun, bien-sûr).
Et surtout, rassurez-vous :
avec les bons gestes, c'est réellement un jeu d'enfant de prendre soin de la petite faune près de chez-soi. 

Je vous ai mâché le travail, voyons tout ça ensemble. 


Le papillon citron hiberne dans nos jardins - sous une feuille de lierre, dans une cavité, protégé des intempéries

Quelques règles 

pour éviter les faux-pas avec votre nichoir

N°1

Où le p​lacer ? 

L'emplacement est décisif. 
Il va permettre de créer de bonnes conditions et aider les insectes à prospérer de manière optimale. 
 

1. Suffisamment de nourriture à proximité  privilégiez les parcs, les jardins et prés fleuris... 

2.  Protégé des intempéries (vent-pluie) et bien orienté pour que les trous d'accès soient bien exposés (idéal : sud / sud-ouest).

3. Évitez les endroits traités par des pesticides ou insecticides à proximité.

N°2

Créer un abri, c'est une responsabilité

Ça peut paraître exagéré mais c'est surtout de bon sens. Si vous créez un abri pour insectes, votre responsabilité consiste à le laisser vivre (et bien vivre). Donc pas question de le détruire. Et on garde en tête les risques sanitaires.

1. Si vous vous rendez compte ​qu'un nichoir n'a plus sa place à un endroit, déplacez-le dans un emplacement adapté - ne le détruisez pas.

2. Trop d'individus concentrés au même endroit = risque de concurrence pour la nourriture + risque de propagation plus rapide des parasites. 
Privilégiez plutôt des petits espaces variés et dispersés.

N°3

Un abri sur mesure

Toutes espèces à ses spécificités, et toutes n'ont pas besoin d'aide.

 

Renseignez-vous sur l'espèce vous aimeriez cibler et créez votre abri en fonction de ses besoins.

N°4

Soyez curieux.se...

... et amusez-vous :)


En pratique...

Une biodiversité en bonne santé est garante d'un environnement sain et prospère. 

Et pour satisfaire la micro-faune de votre jardin, rien de plus simple et facile. Des méthodes existent et elles sont souvent peu coûteuses et peu en entretien. Du grand bricoleur à celui du dimanche, tout le monde est capable d'agir à son niveau. Mais du coup, quelles sont les meilleures méthodes ? 

Retenons un important précepte : 
Les vrais abris des insectes sont naturels.

Le meilleur moyen pour aider les habitants de nos jardins restera toujours de leur laisser à disposition divers micro-milieux naturels ou de réduire l'entretien de certaines zones ou à certaines saisons (herbes, buissons, lierre...)

Un tas de sable, de la terre battue, des pierres (tas de pierre ou murs), des tas de bois/bois mort, du compost... Plus vous allez amener de la variété, plus la biodiversité sera riche - et plus votre jardin sera heureux et en bonne santé. 

En plus, rien de plus simple à mettre en place : installez ça dans un coin tranquille du jardin et voilà ! La nature fera son œuvre à son rythme et s'occupera du reste.

Compost

Les larves de cétoine dorée (ci-dessus) se nourrissent de matières végétales en décomposition, comme le scarabée rhinocéros.

Faites un tas en alternant matière humide (tonte de pelouse, restes de légumes/fruits...) et matière sèche (feuilles mortes, pailles, fauchage, bois, cartons...). Plus il sera soumis aux intempéries, plus le processus de décomposition se fera rapidement. Sinon, il aura le rôle de refuge hivernal pour de nombreux petits habitants.

Feuilles mortes

Ne les jetez plus à la déchetterie mais placez-les plutôt dans un coin tranquille ou dans le compost. 

Vers de terres, collemboles, cloportes, larves diverses... en plus d'enrichir votre sol, ça deviendra un véritable garde-manger pour les oiseaux, les hérissons et autres petits vertébrés.


Bois mort

Vieille souche, bûches ou rondins, fagots issus de la taille annuelle... 

Les coléoptères y creusent des galeries et déposent leurs larves. Des guêpes et abeilles solitaires logent dans les cavités abandonnées.  Des cloportes et autres détritivores très utiles y dégradent la matière organique... 


Foin et paillage

Herbe fauchée, paille, tonte de pelouse... 

Que ça soit autour de vos plantes en paillage ou en tas dans un coin, elle fera le bonheur de vos petits voisins. 

A la longue, elle se transformera en terreau fertile. En plus, le paillage permet de mettre moins d'effort à désherber.

Terre battue

Abeilles et guêpes solitaires, araignées et fourmis seront heureuses d'y creuser leurs nids.

Essayez de conserver ou de créer une bout d'allée, sans dalle ni gravillons.
Vous pouvez aussi entailler une pente, bosse ou talus pour créer une petite falaise de terre (environ plusieurs dizaines de profondeur et quelques mètres de long) - orientée sud ou sud-est de préférence.

closeup photography of ladybug perched on green leafed plant

Mousses 

Véritable forêt miniature, cette éponge végétale fourmille de vie et permet de maintenir un environnement humide plus longtemps. 

Tritons, crapauds et grenouilles aiment s'y réfugier, tout comme les vers de terre et nombre d'invertébrés.

Pierres au sol

Grosses pierres isolées et suffisamment lourdes pour ne pas être déplacées par des animaux. Tuiles, ardoises...

 Conservent le sol humide plus longtemps en cas de sécheresse. 

Refuge bienvenu pour cloportes, mille-pattes, coléoptères, perce-oreilles, fourmis... 

Tas de pierres

 Murets (sans joins), tas de pierre...

Créé un abri idéal en toute saison pour invertébrés et vertébrés - bourdons, fourmis, lézards, tritons, crapauds, musaraigne... 

Facile à installer, il servira principalement de niche pour s'abriter et hiberner. La végétation qui la colonisera peut aussi enrichir ce milieu, mais ce n'est pas obligatoire.

Sable

Mini désert très apprécié par les animaux à sang froid, il est également utiles pour beaucoup d'insectes fouisseurs - hyménoptères, fourmilion... 

Mettre en tas au fond du jardin - ne pas utiliser comme bac à sable. 
A rafraîchir de temps en temps pour éviter sa disparition dû au temps et aux intempéries.

L'osmie, une abeille maçonne solitaire (et trop mignonne)

Pour ceux qui souhaiterait tout de même créer un abri à butineur, voici un petit tuto, facile et rapide à faire, pour les abeilles sauvages solitaires comme l'osmie. 

Les abeilles sauvages sont un véritable piliers pour la biodiversité et elles subissent une importante crise du logement. Toute aide leur sera bienvenue.

A vous de jouer !

Comment créer des nichoirs à osmies ?

Matériel :

  • tiges creuses (chaumes, roseaux, ombellifères...) 
  • ou/et tiges à moelle tendre (ronce, rosier, sureau)
  • boite de conserve vide et propre 
  • ficelle
  • ciseau ou sécateur

N'utilisez pas de bois traité - cela risque de tuer vos petits voisins. On bannit donc les vernis et autres substances chimiques.

1. Coupez les tiges de la même longueur que la boîte de conserve. 

2. Placez vos tiges dans la boîte, l'arrière contre le fond en métal et de manière à ce qu'elles soient bien serrées entre elles. Il ne faut pas que les tiges puissent tomber. 

3. Fixez votre nichoir avec la ficelle ou coincez la dans un tas de pierre ou de bois. 

Durabilité : 2 à 3 ans maximum. 


Bravo, vous avez construit votre premier immeuble à insectes !

La version encore plus simplifiée

Attachez vos tiges ensemble avec de la ficelle pour créer de petits fagots. 

La version un peu plus travaillée

Prenez une bûche et percez des trous de différents diamètres (de 2 à 10 mm) sans transpercer le fond - ce modèle sera plus résistant aux intempéries et au temps.

Quelles que soient vos compétences ou vos goûts, il y en a pour tous ! Mais n'oubliez pas l'essentiel : la Nature préfère ce qui est simple et naturel.


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shallow focus photography of tall trees under blue sky at daytime

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A venir prochainement :

Maëlle Pannatier 30 avril 2024
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